Santé publique France, a, dans son rapport rendu public le 15 octobre dernier, confirmé ce que nous soupçonnions dans nos cabinets : la pandémie a laissé des traces profondes sur la santé mentale des moins de 18 ans. Les troubles anxieux font un bond de 23 % et les idées suicidaires progressent de 16 %.
Impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des jeunes
Nous en parlions ici même il y a de cela quelques mois. Le ressenti que nous avions, depuis nos cabinets, nous permettait de subodorer une sorte de lame de fond, plus encore, une « larme de fond » liée à la distanciation sociale, au confinement de l’an dernier, à la mise entre parenthèse de nombreuses interactions sociales.
Augmentation des troubles anxieux et des idées suicidaires chez les moins de 18 ans
Par le biais de la base de données Oscour, qui permet d’avoir une remontée circonstanciée de 95 % des passages aux urgences en France de quelques 680 services d’urgences, nous pouvons nous rendre compte que de nombreux indicateurs de santé mentale n’ont jamais été aussi élevés, notamment dans la population des 11/17 ans.
Dans son rapport, Santé publique France note que les troubles anxieux font un bond de 23 % et les idées suicidaires progressent de 16 % dans cette classe d’âge. Qui plus est ce bond fait déjà suite aux chiffres records du dernier rapport qui datait de 2021.
Demandes croissantes de consultations psychologiques chez les jeunes
De même, le site de prise de rendez-vous en ligne Doctolib, dans un communiqué de mai dernier, indiquait que les demandes pour des consultations chez un psychologue avait bondi de 102 % en 2021 et que 22 % de ces demandes émanaient de jeunes de moins de 18 ans.
Pour contrer cette montée du malaise psychologique, le Gouvernement avait lancé, en avril 2021, le forfait « 100 % Psy Enfant Ado » prévoyant la prise en charge de dix consultations pour les 3 à 17 ans après prescription médicale et chez des praticiens partenaires. Las, cette formule a déjà été abandonnée devant les réticences des psychologues et le dispositif est désormais englobé dans un autre appelé : « Mon Psy », sans grand écho pour le moment…
Nécessité d'améliorer la prise en charge en santé mentale pour les jeunes
Manque de moyens et de personnels qualifiés dans la pédopsychiatrie
Or, les trois quart des troubles psychiques se déclarent à l’adolescence et chez le jeune adulte, et la prise en charge se doit d’être la plus rapide possible pour éviter que les symptômes ne s’aggravent une fois adulte. Inquiétant, surtout lorsque l’on sait qu’il faut, à Paris par exemple, quatre mois d’attente pour avoir un rendez-vous dans une Bureau d’Aide Psychologique Universitaire et que, dans l’ensemble des Alpes-Maritimes, département de plus d’un million d’habitants, il n’y a que vingt lits dans les services hospitaliers dédiés. A Bordeaux, 20 % des 15/24 ans souffrent de syndromes dépressifs en 2021 soit quatre fois plus qu’en 2014 selon la Drees. Dans certaines régions, comme à Nantes, des adolescents sont hospitalisés dans des unités d’adultes, et la Loire-Atlantique ne dispose en tout et pour tout que de 25 lits pédopsychiatriques. Certains soirées, il n’y a que deux infirmières pour plus de trente patients dans certains services…
Lame de fond, alarme de fond.
Besoin d'une politique volontariste et de mesures à long terme
De fait, la crise du Covid, et les secousses géopolitiques de la guerre en Ukraine font percevoir le monde comme plus menaçant, plus anxiogène, et les crises qui se succèdent aux crises ne laissent pas à l’individu le temps d’en « digérer » une avant qu’une autre se profile. A ces problématiques, se greffent alors la prise de substances qui ne font que détériorer encore un peu plus ce tableau déjà bien sombre.
Mais, au-delà de ce constat aussi accablant que terrifiant, de ce manque de moyens et de personnels qualifiés qui est une des causes majeures de cette crise qui fait plus que se profiler et s’installe dans la durée, c’est tout un pan de la psychiatrie qui est en souffrance. La pédopsychiatrie est une spécialité qui a du mal à se relever de la diminution du numerus clausus décidée il y a de cela une vingtaine d’années et elle n’attire plus autant qu’avant. Les métiers liés à l’infirmerie en hôpital sont en souffrance, là encore à cause de condition d’exercice et salariales peu valorisantes. Résultat : c’est tout le territoire qui est panne de recrutement. Comme souvent, certaines grands services vont pouvoir, avec difficulté, tirer leur épingle du jeu au détriment de certains territoires plus ruraux, jugés moins attractifs.
Il y a donc urgences à réinvestir, non seulement les urgences, mais aussi à améliorer le suivi, la prise en charge en amont, dès les premiers troubles de créer de véritables « postes avancés » du suivi psychologique de nos adolescents. Mais cela ne pourra se réaliser sans une vraie politique volontariste, sur le long terme. Force est de constater que nous en sommes loin...
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